Rutsch hin, rutsch her / Chibreli alsacien
Note préliminaire
A l'origine, le Chibreli était une danse de femmes exécutée autour d'un symbole de fécondité, symbole dont elles partageaient ou subissaient les forces inhérentes.
Les thèmes de la fécondité et de la fertilité sont au cœur des formes de danses les plus anciennes. Ces dernières étaient tout d'abord réservées aux hommes et avaient comme but symbolique premier la fertilisation des sols et des sillons. Les femmes, par contre, dansaient entre elles en "corporations" ("Weiberbund"), en des circonstances très précises, pour assurer leur propre fécondité. Elles évoluaient souvent autour d'un personnage déguisé ou d'un animal cornu qui incarnait les forces fécondantes, auxquelles elles désiraient se soumettre.
Certains dessins rupestres retrouvés dans des grottes de la Catalogne espagnole (à Lérida), représentent neuf silhouettes de femmes, placées autour d'un personnage cornu (satyre ou animal). D'autres "rondes de neuf" exécutées par neuf femmes sont attestées dans le Midi de la France, en Aquitaine et dans certaines régions pyrénéennes d'Espagne.
Le Chibreli s'apparente aux "Wechselhupftänzen" et aux "Spreizhupftänzen", danses s’exécutant à partir de sauts peu élégants, en ciseaux ou les pieds écartés. Jusqu’au 16e siècle, ces rondes se dansaient à l'occasion de baptêmes ou de réunions spécifiques de femmes et en particulier à Carnaval, où toutes les corporations avaient droit aux réjouissances.
En Alsace, des danses de femmes autour d'un bouc ou d'un cerf (Böckeldänze) ont été documentées jusqu'au 17e siècle. Elles s'exécutaient au moment du Carnaval des femmes, aux "lundi ou mardi du cerf", dits "Hirzmandi" ou "Hirzzischdi", jours où les femmes s'octroyaient toutes les libertés.
Dans leurs cortèges très peu ordonnés, les femmes promenaient un bouc orné de rubans, de fleurs et de clochettes, autour duquel elles se déplaçaient en sautant, sans la présence d’hommes. De tels cortèges ont eu lieu dans le Sundgau et dans la Vallée de Munster (à Wihr-au-Val et à Gunsbach).
A partir du 16e siècle, certaines formes de Chibreli se dansent par couples. Les sauts, pieds écartés, sont parfois remplacés par des pas dits de "chèvre" ou par des pas pointés (Tupfschritte) et un refrain de danse tourné ou de moulinets. C’est le cas en Autriche, en Allemagne et dans tout le secteur alémanique. En Alsace, les moulinets ont été remplacés par un refrain de valse, ce qui permet de dater cette version locale après à la Révolution.
Les Chibrelis sont apparus sous des dénominations diverses telles que "Herr Schmidt" ou "Chibreli" en Lorraine, "Ziberli" en Savoie, "Chiberla" dans les Pyrénées, "Hiatmadl" en Allemagne, "Rutsch hin, rutsch her" en Alsace, etc… La musique propre à ces formes de danse, semble être issue de l'air d'une marche militaire portugaise de 1790, répandue en Allemagne durant les campagnes napoléoniennes. La version populaire s'est cristallisée sur l’air très connu de "Rutsch hin, rutsch her", chanté dans toutes les campagnes alsaciennes et figurant au répertoire des musiciens jouant dans les bals villageois.
Les paroles sont les suivantes :
Rutsch hin, rutsch her, rutsch züe d'r Magd in's Federbett
Rutsch hin, rutsch her, rutsch züe d'r Magd in's Bett
Bisch hingerutscht, bisch hergerutscht
Bisch züe d'r Magd in's Bett gerutscht
Rutsch hin, rutsch her, rutsch züe d'r Magd in's Bett
Refrain valse :
Züe d'r Magd will i net
denn Sie het züe viel Fleh im Bett
züe de Magd will i net
Sie het züe viel Fleh im Bett
La Raspa, version plus moderne et plus sautée de cette danse ancienne, a concurrencé le Chibreli alsacien pendant un certain temps. Cette danse a eu un succès considérable mais limité dans le temps. De nos jours, le Chibreli alsacien se danse encore lors de certains mariages paysans du Kochersberg et de l'Ackerland. Il est présent dans la plupart des répertoires des groupes d'art et traditions populaires.
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